© Guillaume Bonnefont

Stan a les oreilles qui bougonnent. Il appartient à une espèce en voie de disparition, celle des journalistes vinyhilistes.
Il a la tête de Nick Cave et les grognements de Jean Yanne. Tonton flingueur du rock, il connaît aussi bien la filmographie de Lino Ventura que la discographie de Neil Young. Bien que virtuose de l’étourderie – capable d’oublier où il a garé sa voiture 5 minutes auparavant – Stan est doté d’une mémoire encyclopédique. Dans le juke-box de son cerveau sont stockés des décennies de folk, de rock, de punk, de pop alternative, de chansons diverses et variétés. Savoir accumulé par goût mais aussi par devoir. L’animal est quand même payé à écouter de la musique. Très mal certes (y’a une justice !), m’enfin ce n’est pas donné à tout le monde.
Impécunieux chronique (puisque chroniqueur), bordélique consciencieux, procrastineur assidu, Stan est le prince de l’in extremis.  Il attend toujours la 59ème seconde de l’ultime minute de la dernière heure pour déballer son horlogerie. Articles de presse, biographies, traductions, interviews, nouvelles, conférences… jamais il ne se laissera aller à la facilité d’y travailler en avance. La ponctualité, c’est bon pour les croque-morts et les notaires. Il lui arrive pourtant d’être à l’heure une fois par semaine. Le dimanche soir quand retentit « La fileuse » de Mendelssohn sur les ondes de France Inter. Alors que le podcast pourrait nous affranchir de la pendule, tous les deux nous écoutons le direct du « Masque et la Plume ». Moi sous lui. Lui sur moi.  Je précise : je vis à l’étage du dessous, dans un appartement relié au sien par un escalier médiéval tournicotant au cœur d’un phalanstère intimiste. Cette émission est depuis notre enfance la parenthèse dominicale où l’angoisse du lundi se dissipe dans un flux de propos culturels plus ou moins polémiques. Grâce à elle, nous pouvons porter un avis définitif sur les films que nous n’avons pas vus ou sur les livres que nous ne liront jamais. Exactement comme les critiques du « Masque ». À l’inverse, je sais tellement de choses sur Stan que je n’ose rien en dire. Sauf affirmer d’un coup de brosse à reluire que sous son masque maugréant frétille une plume alerte et sensible. Celle d’un oiseau rare.

PS
Cher ami, écrire ta bio était un honneur. À quand la nécro ?

Olivier Costes